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Avec l’inflation qui a sévi ces 12 derniers mois, les Français ont de plus en plus de mal à s’en sortir. Et ces dernières semaines, les négociations ont eu lieu entre les acteurs de la grande distribution et leurs fournisseurs, dans un climat très tendu. En effet, avec la hausse des tarifs de l’énergie et des matières premières, ces derniers entendent bien revendre leurs stocks plus chers. Mais face à eux, les enseignes de supermarchés freinent des quatre fers. Car elles entendent bien maintenir les prix les plus bas possibles en rayons. Faute d’avoir réussi à se mettre d’accord avec les industriels, elles ont pourtant annoncé des augmentations des coûts dans les mois à venir. Michel-Edouard Leclerc, dirigeant de la chaîne de magasins du même nom, a décidé de prendre la parole dans les médias pour alerter l’opinion.
Des négociations commerciales très serrées
En tant président du comité stratégique de l’enseigne, l’homme semble aux premières loges pour constater l’évolution du marché. Malheureusement, Michel-Edouard Leclerc n’a pas vraiment de bonnes nouvelles pour les ménages. « Nous sortons des négociations avec l’industrie agroalimentaire, avec une prévision de hausse des prix dans l’univers des supermarchés de l’ordre de 10 %. »
Selon lui, il faut donc s’attendre à payer ses courses encore plus cher. Et la tendance devrait se maintenir jusqu’en juillet prochain. Un phénomène qu’il présente comme une » inflation de transition. » Néanmoins, Michel Edouard Leclerc pense aussi que la situation devrait s’installer à long terme. « Une phase d’inflation de dix ans qui sera davantage due au changement des modes de production. » On vous explique tout.
Michel-Edouard Leclerc fait le bilan
Pour ce responsable de la grande distribution, la négociation n’a pas vraiment pu faire des heureux. En effet, les industriels auraient souhaité répercuter davantage la hausse de leur frais sur les tarifs. De leurs côtés, les distributeurs ont tenté de réduire les coûts au maximum, mais leurs efforts ne permettront pas de préserver les ménages. « La distribution a beaucoup négocié, mais ces 10 % viennent se rajouter aux 15 % de 2022. »
Pour essayer de passer cette phase en douceurs, les supermarchés devraient alors diluer l’augmentation des prix dans les prochains mois. Et pour éviter une évolution trop brutale pour la population. « De manière à ne pas pénaliser nos 19 millions de clients. » Michel-Edouard Leclerc annonce aussi que l’enseigne envisage de repenser son offre, de façon sectorielle.
A-t-on évité le pire ?
Pour l’heure, il dénonce des exigences très élevées du côté des fournisseurs. « Les demandes qui ont été faites à Leclerc depuis décembre étaient exorbitantes. Dans beaucoup de cas c’était du poker, dans la majorité il s’agissait de demandes excessives surtout par panique, par anticipation excessive, avec cette idée que si on ne demande pas maintenant, les plats ne repasseront pas. » D’après Michel-Edouard Leclerc, ces comportements abusifs s’explique par le cadre législatif qui pèse sur les négociations. « L’administration a balisé l’exercice de la négociation, sans tenir compte véritablement des aléas du marché. La tentation est grande de vouloir résoudre les problèmes d’augmentation des charges en une fois. L’année dernière, le gouvernement lui-même a pourtant rouvert un cycle de négociations compte tenu de la guerre en Ukraine et de la crise de l’énergie. »
Comprendre la démarche des fournisseurs
En dehors de tout opportunisme, il faut reconnaître que l’industrie a subi de forte turbulences ces derniers mois. En cause ? La hausse des prix de l’énergie, mais aussi des matières premières, essentielles lors de la production. Néanmoins, Michel-Edouard Leclerc déplore un manque de transparence des fournisseurs. « Nous sommes frustrés de cela. Moi, je reste sur ma faim sur l’absence d’explications. On nous a fait le coup l’année dernière, on nous a présenté des hausses de factures très élevées, l’alimentaire a été augmenté de 15 %. Et finalement, on s’aperçoit que les grandes entreprises internationales affichent des hausses de dividendes. »
Il dénonce également les bas revenus des petits producteurs, souvent invoqués dans la quête d’un tarif plus juste. » Il y a des plus gros qui se planquent, et en répercutant ces demandes de hausse au consommateur, le système a fait payer aux Français autre chose que de la matière première ou les effets de la crise de l’énergie. La guerre en Ukraine a eu bon dos. » Enfin, Michel-Edouard Leclerc dénonce aussi l’inaction du gouvernement face à ces abus de l’industrie. « Les consommateurs ont donc des raisons d’être perplexes sur ces vagues de hausse. Parallèlement, je trouve que les pouvoirs publics n’ont pas été à nos côtés. »
Michel-Edouard Leclerc commente le panier anti-inflation
Annoncée par la Ministre déléguée en charge du commerce, Olivia Grégoire, cette mesure ne devrait pas avoir de force obligatoire. Pour rappel, elle consiste en une sélection de 50 produits essentiels, vendus à un tarif avantageux par les enseignes de la grande distribution. D’ailleurs, Lidl et Système U ont déjà commencé à proposer ce panier d’articles abordables, à leur manière. De son côté, Michel-Edouard Leclerc reste plus sceptique. « Nous n’avons aucun intérêt à communiquer sur trente ou quarante articles, quand nous sommes généralement moins chers sur beaucoup plus de produits que cela. »
À la place, Leclerc va relancer son comparateur de prix, pour aider les consommateurs à faire le bon choix. » À partir de lundi, nous allons relancer notre plateforme de comparateurs de prix. Nous disons au consommateur Leclerc d’aller jeter un œil dans d’autres enseignes, pour nous assurer que nous sommes moins chers. «
Les prédictions de Michel-Edouard Leclerc pour la suite
Premier constat pour ce responsable : les consommateurs ont cessé de se concentrer sur la qualité. Et semblent accorder de plus en plus la priorité aux petits prix. Ainsi, ils se reportent massivement sur les marques distributeurs ou les gammes premier prix.
Mais Michel-Edouard Leclerc prévient également que la hausse des prix devrait s’installer dans la durée. Et en raison de changement à venir, dans l’industrie comme dans la grande distribution. Avec notamment d’importants défis à relever pour adapter le commerce aux enjeux contemporains. » Nous allons aller vers une alimentation plus soucieuse de l’environnement, vers la fin des énergies fossiles, et vers une relocalisation d’une partie de notre production dans les secteurs stratégiques. Ces trois mouvements vont faire que les produits vont coûter plus cher, parce que ça coûte plus cher de produire chez nous qu’en Chine, et plus cher de produire propre et durable. »
Sur ce point, les supermarchés dirigés par Michel-Edouard Leclerc ont déjà commencé à s’engager, pour limiter peu à peu leur impact sur l’environnement. » De cette crise, il faut tirer des leçons, et quand nous supprimons les prospectus qui représentaient 60.000 tonnes de papier, on commence déjà à basculer vers l’ère décarbonée. »
Source : 20 minutes